![]() ![]() |
UB- Préhistoire Le site de Préhistoire de l'Université de Bourgogne Cours en ligne Licence 3 - Néolithique européen |
||||||||||||||
![]() |
|||||||||||||||
![]() |
|||||||||||||||
|
|||||||||||||||
![]() |
|||||||||||||||
![]() |
|||||||||||||||
Néolithique européen Cours 20 : La monumentalité au Néolithique
|
![]()
Nous allons aujourd’hui revoir un certain nombre de sites que nous avons rencontrés au cours des séances précédentes, mais en les envisageant selon un point de vue particulier et sans doute très important au Néolithique, celui de la monumentalité. Tout d’abord, que recouvre ce mot pour l’archéologie néolithique ? Et bien très exactement l’idée que vous vous en faites… Il s’agit de l’ensemble des caractères qui rendent quelque chose impressionnant ou majestueux par ses dimensions généralement ou par le travail mis en œuvre. Et le terme s’emploie le plus souvent, mais pas seulement, pour désigner des constructions destinées à perpétuer un souvenir (monument commémoratif donc) ou religieux, symboliques… Alors que sont les monuments au Néolithique en Europe ? Et bien il va s’agir de plusieurs types de constructions très différentes. En grande catégorie, on peut distinguer un habitat monumental, des sépultures monumentales, des édifices publics monumentaux (temples ou autre lieux de cérémonies pas nécessairement religieuses au sens où on l’entend aujourd’hui), et enfin des monuments au sens stricts, c'est-à-dire des choses qui ne valent que pour elles-mêmes, qui n’ont d’autres fonctions connues que d’être monumentales puisque nous ne savons pas ce que c’est. Nous y reviendrons. Chronologiquement tout d’abord, monumentalité et Néolithique se confondent. C'est-à-dire que si nous ne connaissons pas de constructions monumentales pour le Paléolithiques, celles-ci existent bien depuis le début du Néolithique et pendant toute sa durée. En réalité elles apparaissent même très clairement dans le processus de néolithisation et donc avant que l’économie néolithique ne se développe réellement au Proche Orient. Souvenez-vous, au Proche Orient, pour ne prendre que deux exemples évident du PPN : les fortifications de Jericho et les temples de Gobekli Tepe. En Europe, c’est donc dès le Néolithique ancien que nous pouvons observer des constructions monumentales. Les plus anciennes étant généralement des enceintes autour des villages. Celles-ci sont bien connues depuis la Grèce, ici avec le site de Sesklo, jusque dans le monde danubien d’Europe centrale jusque chez nous ou presque. Rappelez vous ici l’enceinte de Darion dans le Rubané de Belgique. Ces enceintes du Néolithique ancien sont généralement composées de fossés et de palissades, les deux éléments pouvant être multiples. Mais souvent, pas toujours, ce caractère multiple correspond à des recreusements de fossés, des rénovations de l’enceinte. Mais, c’est vrai aussi dans le monde méditerranéen, en Italie par exemple, avec les sites de la Tavolière, encore que le caractère monumental des enceintes, mis à part leurs dimensions soit discutable. Alors évidemment, la première réflexion que l’on peut faire, c’est qu’une enceinte, ce n’est pas forcément un monument puisque cela a un aspect pratique qui est de défendre ce qu’on a mis à l’intérieur de celle-ci et généralement pour le Néolithique ancien, le village. Cependant, il est évident que ces fortifications néolithiques, de part leur nature, leur tracé, leurs matériaux, avaient tout autant une fonction ostentatoire qu’une fonction de défense réelle – même si cette dernière ne doit pas être négligée selon moi. Il s’agit donc bien de constructions monumentales au sens strict. Il y a un autre type d’argument pour cela sur lequel nous reviendrons un peu plus tard. C’est surtout à partir du Néolithique moyen, donc au milieu et dans la seconde moitié du 5e millénaire pour l’Europe occidentale que la monumentalité se développe et se répand largement. Tout d’abord, évidemment les enceintes existent toujours et même se répandent largement, dans le monde chasséen par exemple en France. Celles-ci peuvent enclore les villages mais elles vont aussi avoir sans doute d’autres fonctions que nous avons déjà évoqué pour la vallée du Rhône ou pour le Toulousain mais aussi sans doute en Centre-Ouest où ces enceintes peuvent enclore de vastes espaces archéologiquement vides ou presque et interprétés généralement comme des lieux de rassemblements quel que soit la nature de celui-ci (commercial, politique, religieux…). C’est surtout le moment du développement d’une monumentalité funéraire importante avec toutes les variétés de sépultures mégalithiques qui apparaissent au nord-ouest de l’Europe, mais aussi des monuments funéraires non mégalithiques dont les monuments cerny que vous avez vus lors du cours précédent constituent un bon exemple. Mais dès la fin du 5e millénaire et pendant le 4e millénaire, nous allons avoir le développement d’autres formes de monuments dont la fonction ne va plus être défensive ou funéraire et dont les interprétations vont être plus difficiles à établir. Il s’agit bien évidemment des menhirs dont la mode va se répandre sans doute avec celle des tombes mégalithiques mais dont la fonction demeure inconnue même si les élucubrations sur le sujet ne manquent pas. Rappelons pour commencer que les menhirs ne marquent pas l’emplacement de sépultures, comme certains touristes le croient encore. Leurs dimensions sont aussi très variables puisqu’il existe des micro-menhirs qui peuvent difficilement être qualifié de mégalithes et de très grandes pierres dont quelques cas ont subsistés jusqu’à ce jour comme celui de Locmariaquer avec 20 m de long, mais il en existe aussi de 10 mètres encore debout à Plouarzel toujours en Bretagne, et d’autres moins grands mais quand même impressionnant dans le Midi. Par ailleurs les menhirs ne sont pas rares : 700 sites à menhirs sont aujourd’hui recensés en Bretagne. Les grands rassemblements de menhirs comme ceux de Carnac, en Bretagne, peuvent compter plus de 1000 pierres associées en un même monument. Il en reste 3000 au total et on en évoque 10000 pour restituer les monuments d’origine. Ces grandes files de menhirs s’étendent sur des distances pouvant atteindre 1 km. Contrairement à ce que les touristes pensent généralement, il ne s’agit pas de rangées de pierres dressées sur des kilomètres, mais de monuments complexes qui se fondent sur la topographie du paysage, car les monuments ne sont pas implantés au hasard, et qui peuvent fréquemment s’associer à d’autres constructions : des enceintes de menhirs ou de gros blocs, des levées de terres, et des sépultures, mais pas toujours et pas partout. Je ne développe pas ici les interprétations plus ou moins fumeuses émises pour ces alignements de menhirs. A la fin du 4e et pendant le 3e millénaire, les menhirs vont parfois s’organiser en monuments circulaires appelés cromlechs. En Angleterre bien sûr et on pense tout de suite à Stonehenge. Mais aussi sur le continent où les cercles de pierres sont peu nombreux mais pas absents. Dans le cas de l’Angleterre, rappelons au passage que certains monuments en cercles étaient initialement composés de poteaux de bois et non de pierres, ce sont même peut-être les plus anciens de ces monuments comme Woodhenge non loin de Stonehenge. Parmi ces monuments certains sont beaucoup plus monumentaux que Stonehenge, si j’ose dire : c’est le cas du grand monument d’Avebury avec ces 400 mètres de diamètre, son énorme fossé et ses mégalithes. Depuis ce vaste cercle une « avenue » bordée de menhir file vers la région de Stonehenge et se suit sur plusieurs kilomètres. Mais il y a encore pire en Angleterre avec les Cursus. Il s’agit de deux cordons de terre parallèles pouvant avoir un à quelques mètres de hauteur et faire des centaines de mètres, des kilomètres et jusqu’à 10 kilomètres de longueur pour le Dorset Cursus. Celui qui fait partie du vaste ensemble préhistorique de Stonehenge mesure déjà 2700 m de longueur. Dans le même ordre d’idée, certaines sépultures monumentales sont des chambres mégalithiques inclues dans des tumulus gigantesque comme ici le West Kennet long Barrow qui mesure plus de 100 m de long. A quelques distances, se trouve la colline artificielle de Silbury Hill, le tumulus le plus élevé de la Préhistoire avec une quarantaine de mètres de hauteur de terre rapportée. Sa fonction est inconnue étant donné que les fouilles n’ont pas montré la présence de sépulture à l’intérieur du tumulus. On évoque la possibilité d’une plateforme où aurait pu se dresser un temple. C’est l’idée qui est retenue aussi pour la pyramide du Monte d’Accoddi dans le nord de la Sardaigne. Il s’agit d’un édifice beaucoup plus modeste mais déjà important et dont le sommet de la terrasse présente une unique construction réduite, datable du 4e et 3e millénaire avec plusieurs réfections et exhaussement de la pyramide. Nous sommes là très vraisemblablement dans le domaine religieux ou politique, c'est-à-dire des constructions collectives qui n’ont pas d’usage défensif ou funéraire mais probablement des lieux de rassemblement ou de cérémonies comme je le disais tout à l’heure. Dans le domaine des temples, toujours au 4e millénaire, l’île de Malte nous offre quelques beaux exemples, déjà évoqués en exposé. Il s’agit de constructions mégalithiques présentant des plans tréflés, avec une organisation récurrente, avec des systèmes d’accès successifs menant à un sein des seins où se trouvent souvent un ou plusieurs autels. Mais la fin du Néolithique est aussi marquée par le développement de nouvelles enceintes qui tranchent radicalement avec celles du Néolithique ancien et moyen. Celles-ci se trouvent dans la Péninsule Ibérique et correspondent à une série de sites importante dans le sud de l’Espagne et au Portugal, généralement érigés à la fin du 4e ou au début du 3e millénaire mais qui sont agrandis et transformés tout au long du 3e millénaire jusqu’à l’époque campaniforme et même au début de l’âge du Bronze. Je vous parlais au début du cours d’un autre aspect des constructions monumentales, je l’ai d’ailleurs déjà évoqué à plusieurs reprises avec vous, c’est la notion du groupe. Ces grandes constructions, quelle que soit leur destination, leur fonction, ont en commun de nécessiter l’intervention de l’ensemble du village, voire de plusieurs villages réunis pour leur édification et même ensuite pour leur entretien, leur réfection... Et ceci est sans doute très important. Il s’agit tout d’abord de monuments qui appartiennent au groupe qu’il s’agisse de l’enceinte autour de l’habitat ou de la sépulture collective. Concernant cette dernière, je l’ai déjà dit, il s’agit aussi sans doute de glorifier les ancêtres du groupe et donc d’assurer une cohésion sociale. Mais cette cohésion peut aussi se trouver dans le travail collectif nécessaire à la réalisation des monuments qu’ils soient défensifs, commémoratifs, religieux ou politiques. Plus encore que cela : les classes dirigeantes occupent sans doute le peuple par ce type de travaux qui complètent l’emploi du temps lorsque les travaux des champs et les activités domestiques sont réduits. La monumentalité du Néolithique ce n’est donc pas que des dolmens qui font jolis sur les photos de Bretagne, ce n’est pas que des enceintes autour de villages de paysans qui craignent les voleurs et les loups, c’est sans doute le signe de la mise en place de systèmes sociaux, politiques ou religieux ou les deux qui préfigurent tout à fait les sociétés que nous connaissons aujourd’hui. Bibliographie La bibliographie sur les monuments néolithiques est très abondante, surtout concernant le mégalithisme (dolmens et menhirs). GUILAINE J., 1994 – La mer partagée : la Méditerranée avant l'écriture 7000-2000 avant Jésus-Christ, Paris : Hachette, 1994, 455 p. GUILAINE J. (Dir.), 1999 – Mégalithismes de l'Atlantique à l'Ethiopie, Séminaire du Collège de France, Paris : Errance, 1999. GUILAINE J., 2000 – Au temps des dolmens. La France méridionale au temps des mégalithes. Toulouse : Editions Privat, 2000, 159 p. GUILAINE J., 2003 – De la vague à la tombe. La conquête néolithique de la Méditerranée. Paris : Seuil, 2003, 377 p. Voir aussi la collection « Terres mégalithiques » de la Maison des Roches (Paris) plusieurs ouvrages de Roger Joussaume, Jean-Pierre Mohen, Luc Laporte et Charles-Tangy Leroux. Ces ouvrages vous fourniront une grande quantité de références bibliographiques.
|
||||||||||||||
![]() |
|||||||||||||||